Disons-le tout de suite, Claude Mercier est breton, car c’est bien le seul défaut qu’on pourra trouver à cette icône de Malherbe. Un joueur comme un club n’en connaît qu’une poignée au cours d’un siècle…
Claude Mercier arrive à Caen en décembre 1948, il a alors 23 ans et se trouve être un footballeur pas mal doué balle au pied, capable de jouer aussi bien « inter » que « demi ». Il mesure un mètre 75, un gabarit intéressant pour l’époque. Son pedigree indique quelques saisons au FC Lorient, le club de sa ville natale, sous la direction de Jean Snella notamment, puis, surtout, avec les Girondins de Bordeaux, le temps de son service militaire. Ses performances et son potentiel ne passent pas inaperçus, puisque Mercier est sélectionné en équipe de France militaire puis amateur (c’est lui qui le dit). Pourtant il ne fait pas le choix du professionnalisme.
De son côté, le Stade Malherbe, qui a du abandonner le statut professionnel en 1938, a repris après-guerre les compétitions au plus haut niveau amateur, la Division d’Honneur de Normandie dont il remporte les deux premières éditions. Lorsque le Championnat de France amateur est créé en 1948, sous forme d’une troisième division nationale, le club l’intègre logiquement, ce qui l’amène à se confronter aux redoutables adversaires du groupe Nord puis du groupe Ouest.
Doté d’une technique et d’une vision du jeu supérieures à la moyenne, le nouvel arrivant semble également être habité par un charisme et un caractère notables, puisqu’il est très vite nommé capitaine. Mercier s’impose en fait comme un joueur majeur de l’équipe caennaise, tour à tour milieu droit, meneur de jeu, milieu défensif ou encore libéro lors des matchs difficiles, mais toujours comme capitaine. Une évidence que les nombreux entraîneurs qu’il connaîtra à Caen ne remettront pas en cause. Avec quelques coéquipiers fidèles, le gardien de but René Brandao ou les joueurs de champ Roger Kergal et Gérard Léonce, il forme la colonne vertébrale du Stade Malherbe des années 1950.
En plus, Mercier avait la classe.
À cette époque faut-il le rappeler, le Stade Malherbe est un club amateur, dont les joueurs ne s’entraînent que deux fois par semaine. Comme tous ses coéquipiers, Mercier a donc un travail. En l’occurrence il est revendeur d’automobiles auprès de Robert Chambilly, le père de notre cher Guy, directeur de la régie Renault en Basse-Normandie et président du Stade Malherbe… Le hasard fait bien les choses.
Malgré le CV des entraîneurs recrutés par le club (notamment les anciens internationaux Jules Vandooren, Jean Prouff et André Grillon, venus en tant qu’entraîneur-joueurs), les coéquipiers de Mercier ne parviennent pas à remporter le championnat de CFA, d’autant que le club ne court pas après un retour au professionnalisme. Les Caennais terminent au mieux sur le podium, deuxièmes du groupe Nord en 1951 derrière l’UA Sedan-Torcy, ou troisièmes du groupe Ouest en 1953, à deux petits points du champion Cholet, un de ses principaux rivaux du moment.
Décevante en championnat, la saison 1952-1953 permet cependant aux Caennais de réaliser le premier d’une série d’exploits retentissants en Coupe de France. Le 19 janvier ils affrontent en 32e de finale de la Coupe de France, à Rouen, le Stade de Reims, champion de France en titre, dont la star est le meneur de jeu Raymond Kopa et le capitaine Robert Jonquet, tous deux internationaux français.
Mercier à Jonquet : ce stade sera votre tombeau.
L’entraîneur Jean Prouff imagine un schéma très défensif, au coeur duquel Mercier et lui-même se placent devant la défense, assurant ainsi la solidité de l’équipe. Malherbe tient une heure sans prendre de but, jusqu’à l’ouverture du score rémoise qui semble clore le sort du match. Et pourtant ! L’ailier caennais Allard égalise bientôt puis donne un avantage décisif aux siens en prolongation. Les Normands sont finalement éliminés au tour suivant face à Nice, autre club de l’élite. Trois ans plus tard, rebelote : ils écartent le Racing Club de Paris (3-2), club de D1, à Venoix, puis Alès (1-0), club de D2, avant de s’incliner face au RC Lens en 1/8e de finale, après prolongation.
En 1958, les hommes de Mercier poussent le FC Nantes à disputer cinq rencontres pour se départager : les deux premiers matchs se soldent par des matchs nuls 0-0. Il faut dire que la défense caennaise est alors la plus imperméable du groupe nord du championnat de France amateur – les temps changent. Après avoir contenu les Canaris 120 minutes supplémentaires le 29 décembre, le capitaine malherbiste déclare : « C’est nous qui les aurons à l’usure ». Le quatrième match est arrêté. Las, le cinquième voit finalement les Nantais l’emporter 1-0, après 469 minutes de jeu, un record ! La confrontation s’est étirée du 15 décembre 1957 au 12 janvier, désorganisant la suite de la compétition. Le règlement de la coupe de France est modifié la saison suivante afin de limiter à trois le nombre de rencontres par tour.
1956 : Cap’tain Mercier est le cinquième debout en partant de la gauche.
En 1961 enfin, l’équipe caennaise élimine le RC Lens (2-1 après prolongations) puis l’US Forbach, club de deuxième division (en deux matchs : 2-2, puis 3-2), avant de s’incliner face aux Girondins de Bordeaux en huitième de finale (3-1). Ces différents exploits permettent au club de remporter le « challenge France-Football » récompensant la meilleure équipe amateur en coupe de France en 1956 et 1961.
Sur ces derniers exploits, Mercier prend sa retraite sportive à 34 ans, après douze saisons et demi en équipe première (soit de l’ordre de 300 matchs). Le départ du leader technique et capitaine emblématique malherbiste peine à être compensé, de sorte que l’équipe va être relégué en DH dès l’année suivante, en 1962, puis de nouveau en 1965…
Mercier continue à pratiquer un peu, en équipe de Normandie amateurs dont il devient logiquement le capitaine. Après 18 ans auprès de Robert Chambily, Mercier ouvre une concession Alfa Roméo sur la promenade du fort à Caen, puis passe chez Toyota quelques années plus tard, sur la ZI de la Sphère à Hérouville.
Il vit aujourd’hui des jours heureux de retraité dans les alentours d’Hérouville, si l’on en croit les coupures de Ouest France qui lui sont consacrées. L’histoire ne dit par contre pas s’il suit encore Malherbe et s’il se reconnaît parfois dans certains de ses membres les plus glorieux…
(photos issues de la collection de Louis Grégoire, ancien joueur et président fondateur de l’Amicale des Anciens de Malherbe – merci à supfal pour ses précisions)
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