Acharnement, injustice, écœurement…ces mots ont été maintes fois repris ce vendredi par les dirigeants et supporters de Luzenac mais aussi par la grande majorité des amoureux du football pour décrire la décision de la LFP de maintenir le club Ariègeois en National. Cette décision scandaleuse aura au moins le mérite de révéler combien la Ligue marche à côté de ses pompes.
Messieurs LOUVEL, THIRIEZ et AULAS
Crédit : www.huffingtonpost.fr
La LFP n’en est pas à son coup d’essai en matière de décision incompréhensible ces derniers temps. Et ce qui est d’autant plus choquant, c’est l’aplomb avec lequel ses membres semblent justifier l’injustifiable par de faux prétextes. Pensez donc, une commune de 550 habitants abritant un club professionnel, et prenant donc la place d’un autre club (en l’occurrence Châteauroux)…voilà qui n’est pas pour plaire à messieurs les pontes de la Ligue.
C’est donc un rouleau compresseur qui s’est mis en marche pour empêcher le petit poucet de monter. Première lame, la DNCG : les comptes du club étaient justes et sont donc retoqués par cette instance. Décision confortée par le Comité National Olympique et Sportif Français, autre institution aux décisions pour le moins obscures et à géométrie variable… Luzenac ne lâchera pas, reverra sa copie et obtiendra finalement gain de cause devant le Tribunal Administratif, puis devant la DNCG qui après réexamen finit par valider les comptes. On s’acheminait alors fort logiquement vers une montée entérinée par le Conseil d’Administration de la Ligue. Oui mais voilà, la Ligue ne l’entendait pas de cette oreille.
Il faut dire que les présidents de Ligue 2 tenaient à tout prix à ne pas diviser en 21 le gâteau des droits TV qui était prévu pour 20 ! A mot à peine couvert et au milieu de justifications fumeuses on retrouve cette véritable raison évoquée par Jean-Pierre LOUVEL (président de l’UCPF, membre de la LFP et accessoirement Président du HAC), évoquée la veille du Conseil d’Administration de la LFP : « Ce (l’accession de Luzenac, ndlr) n’est pas raisonnable pour beaucoup de raisons : le calendrier, des raisons économiques et la répartition des droits TV alors que l’ensemble des clubs ont remis leur budget en incluant les droits TV, explique-t-il. La Coupe de la Ligue a commencé avec un premier tour. Au-delà de l’aspect économique de la DNCG, des aspects juridiques se posent aussi puisque cela remet en cause l’article 11. Il y aussi le problème du stade qui n’est pas homologué pour la L2. Beaucoup de questions vont se poser à nous demain matin. (…) Il se pose tellement de questions aujourd’hui que ce serait prématuré de dire que Luzenac est en L2 ce soir. Il faut attendre. Rien n’est gagné pour Luzenac en tant que club qui n’est pas structuré pour intégrer le monde professionnel. » (source : http://www.bfmtv.com/sport/louvel-luzenac-l2-premature-825783.html). C’est donc cette dernière raison qui est retenue : la conformité du stade : et là on manque de s’étouffer ! Ernest-Wallon, le stade hébergeant le Stade Toulousain ne serait pas assez sûr pour accueillir des rencontres de Ligue 2 de football !!! La raison ne manquera pas de faire glousser les fans de football.
Pour la petite histoire, le stade Ernest-Wallon a accueilli en 2007 un 16ème de finale de Coupe de la Ligue (donc organisé par la LFP !) Toulouse-Caen, alors que le Stadium était occupé par un match international (http://www.tfc.info/news/node/1008076 ).
Source : Twitter (faute incluse !)
Le Conseil d’administration de la Ligue, à l’unanimité de ses 24 membres a voté contre la montée de Luzenac ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que lorsque les intérêts financiers sont partagés, ces messieurs savent s’entendre ! J’espère un jour entendre le président de notre club, Jean-François FORTIN s’exprimer sur les raisons de son vote. Les vraies raisons ! Pas celles que tentent de faire avaler l’homme à la moustache et ses collègues.
Pourquoi me passionner pour cette affaire qui au fond ne me regarde pas moi supporter Caennais ! Tout simplement parce que cette affaire est symptomatique d’une institution à bout de souffle, qui fonctionne en vase clos et qui ne rend de comptes à personne. La prudence ne m’amènera pas à aller jusqu’à parler de corruption mais en revanche de copinage c’est une évidence !
Si la LFP a perdu ces derniers temps le maigre crédit qui lui restait, c’est par sa faculté à s’arranger avec ses propres règlements pour se montrer faible avec les forts (ou les copains) et impitoyable avec les faibles ! Dans le cas de Luzenac, nous l’avons vu, la LFP se sera montrée intraitable, appliquant son règlement à la lettre en faisant appel dans un premier temps à l’argument financier, puis dans un second temps à la sécurité pour justifier la non-montée.
Lorsqu’il s’agit de Lens et de son influent président MARTEL, l’interprétation du règlement en revanche est toute autre : le CNOSF puis la FFF (du notable Guingampais LE GRAET) et la LFP auront déjugé la DNCG pour permettre à Lens de monter, sur la foi d’une promesse de versement par l’actionnaire Azerbaïdjanais qui à ce jour n’est toujours pas arrivé. Autrement dit, là où chaque club doit apporter les garanties sur son budget auprès de la DNCG, Lens aura eu le droit à un traitement de faveur via des institutions beaucoup moins exigeantes en matière de garanties. Vrai laxisme ou fausse naïveté, toujours est-il que le RC Lens se retrouve en ligue 1 sans respecter les conditions fixées par la LFP, ce qui ne manque pas de faire tousser le président de Sochaux, qui a cru pendant cette intersaison bénéficier des errements du club nordiste (http://www.foot01.com/ligue1/sochaux-exige-de-monter-en-l1-et-accuse,150875 ) Résultat, le RC Lens est à l’agonie, interdit de recrutement par la DNCG et avec de bonnes chances d’arriver en cessation de paiement avant la fin du championnat.
Hafiz MAMMADOV et Gervais MARTEL
Crédit : www.eurosport.fr
Quand on en arrive à manipuler son propre règlement pour permettre à certains de monter et l’interdire à d’autres, c’est que nous sommes proches de ce qui fait rêver les dirigeants des principaux clubs de football, monsieur AULAS en tête : une ligue fermée sans montée ni descente, supprimant « la glorieuse incertitude du sport », au profit de revenus confortables pour les clubs en place…
Autre exemple d’arrangement avec le règlement de la part de la LFP : le cas du match Caen – Nîmes la saison dernière. Alors que le brouillard perturbait le trafic aérien, les nîmois font le choix d’attendre toute la journée à l’aéroport que le ciel se dégage plutôt que de chercher une alternative pour se rendre à Caen. Alors qu’en fin d’après-midi le trafic aérien régulier avait repris, le pilote Nîmois décide de ne pas atterrir à Carpiquet, se détournant vers Beauvais ! Impossible alors pour les Nîmois d’être à l’heure à d’Ornano. L’amateurisme des dirigeants Nîmois, en application du règlement de la LFP, aurait logiquement dû conduire à donner match gagnant aux Caennais. D’autant plus qu’un cas similaire avait amené la LFP à donner match gagnant à Ajaccio alors que les Havrais n’avaient pas réussi à se déplacer lors de l’épisode du volcan islandais qui avait paralysé le trafic aérien.
Source : @wearemalherbe
Mais cette fois-ci, après de multiples recours, la LFP, sur recommandation du décidemment influent CNOSF a déjugé sa propre commission d’appel pour donner le match à rejouer. Contredisant à cette occasion doublement son règlement : d’une part, nous l’avons vu, en évoquant un cas de force majeur fantaisistes mais aussi en faisant jouer une rencontre entre les deux dernières journées du championnat, ce que la LFP habituellement refuse ! Bref, cette fois-ci l’impitoyable LFP se sera montrée particulièrement laxiste, faisant d’ailleurs les affaires de Nancy et de…Lens (tiens donc !) qui étaient à la lutte avec Caen pour la montée ! Et aboutissant à un match qui restera dans les annales pour qui y a assisté : non par la qualité du jeu mais au contraire par la passe à 11 à la quelle se sont livrés les 22 acteurs en seconde mi-temps. Les 2 équipes n’avaient besoin que d’un point pour assurer la montée à Malherbe et le maintien pour les Crocodiles, le 1-1 faisait alors le bonheur des 2 équipes, au mépris de l’esprit du sport certes mais dont l’entière responsabilité reposait sur la LFP.
Il ne s’agit là que de quelques exemples des errements de la LFP. Je pourrais également évoquer l’abus du tout-répressif à l’égard des supporters : loin de moi l’idée de justifier la violence de certains idiots qui se retrouvent fort logiquement interdits de stade. Mais le mauvais traitement des supporters, le tout répressif et les peines disproportionnées (non juridiques !) à l’encontre de faits mineurs me semblent injustifiables. D’ailleurs il est intéressant de noter que l’augmentation du nombre d’interdits de stade est un objectif revendiqué par Monsieur THIRIEZ (http://www.franceinfo.fr/football/sports/article/lfp-thiriez-veut-plus-d-interdictions-de-stade-313155 ). En matière de sécurité, la politique du chiffre des interdictions est-il un bon indicateur ? Et est-ce le seul moyen de rendre les stades plus sûrs ?
Crédit : MNK96
De même, le mépris ostensibles face aux revendications des supporters de Ligue 2 à pouvoir suivre leurs clubs à des jours et des horaires décents n’est pas acceptable. Le maintien d’une Coupe de la Ligue, inintéressante et qui fait doublon avec la Coupe de France et surcharge le calendrier est tout aussi incompréhensible pour qui raisonne au-delà du spectre de l’argent.
Et l’on touche là certainement le fond du problème : la LFP semble être avant tout un club d’intérêts financiers privés, contribuant à la gangrénisation du football par le sport business dans ce qu’il a de plus détestable. Ses décisions sont davantage motivées par la possibilité de faire prospérer les affaires de ces businessmen, que par l’organisation d’une compétition équitable, respectueuse de ses propres règles et destinée aux vrais amoureux du football. La LFP à sa création a voulu se donner une légitimité en accueillant des membres au-delà des clubs professionnels. C’est d’ailleurs par ce biais que l’UCPF (Union des Clubs Professionnels de Football) justifie sa légitimité : « La création de l’UCPF est également étroitement liée au statut original de la LFP. Contrairement à ses homologues européennes constituées uniquement des représentants des clubs, la LFP accueille, au sein de son Conseil d’Administration, l’ensemble des familles du football : membres indépendants, joueurs, entraîneurs, arbitres, médecins, personnels administratifs… Au regard de cette particularité, il est apparu indispensable qu’un organisme puisse prendre en charge et défendre les intérêts spécifiques des clubs professionnels. » (www.ucpf.fr). Au final il s’agit d’une grande hypocrisie tant la LFP est aux mains de ces clubs professionnels, et n’agit que pour servir leurs intérêts financiers.
Comment tourner la page de ces organismes décrédibilisées ? Difficile de répondre à cette question tant messieurs THIRIEZ et ses amis semblent intouchables et accrochés à leurs sièges. Rappelons que Monsieur THIRIEZ, seul candidat a été réélu pour un quatrième mandat en 2012 avec 100% des voix exprimées ! (un frondeur avait tout de même osé voter blanc, l’inconscient !)
Voilà pour l’aspect démocratique. Toutefois, comme le précisent ses statuts, la LFP se doit de respecter le Code du Sport. Il serait intéressant par exemple que Madame la Ministre des Sports se penche sur les agissements de cette institution, et mandate une enquête pour s’assurer que la Ligue respecte l’équité sportive…
Dans un monde idéal, ce sont les statuts mêmes qu’il serait nécessaire de refondre pour changer le mode de gouvernance : imaginez une Ligue composée de membres élus par les supporters (disons par exemple les abonnés aux clubs de football professionnels) : pensez-vous que les décisions prises par les dirigeants actuels seraient les mêmes ?…
Plutôt que des décisions prises par les dirigeants pour les dirigeants, des décisions prises par les amoureux du foot, pour le foot ! Utopique ? Oui c’est vrai. Mais ce fonctionnement serait-il aberrant ? Allons-donc ! Des membres qui donneraient leur avis sur la manière dont sont conduites les affaires d’une association (qui plus est en situation de monopole sur le territoire Français), n’est-ce pas le fonctionnement normal de n’importe quelle association un tant soit peu démocratique ?
Dans tous les cas, il serait temps que ces dirigeants se remettent en cause. Et si l’on peut comprendre que la soupe est bonne, ce n’est pas une raison pour y laisser sa moustache indéfiniment !
Titi DEPRES
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