Cher Malherbe,
Bientôt un an que je t’ai quitté, tu fêtais tes cent ans et Paris me promettait une place de titulaire. La fête alors était belle et, bien que le Milan fut assez, nous t’avions avec quelques copains magnifié une histoire qui t’appartenait. Mon temps sous ton aile était terminé et, les célébrations achevées, je pris le train et le peu de mes affaires pour d’autres cieux non mieux dégagés. Au début tu sais, Paris grouille, Paris mouille ; bref, Paris fout la trouille.
Depuis, Caen me manque toujours un peu, mais c’est toi Malherbe, oui toi ! qui me raccroche à ce passé. Aujourd’hui je peux l’avouer : il m’est impossible de totalement te laisser. Va savoir pourquoi, tiens ! Tu dois être une sorte de virus, un microbe tapi dans le siège de ma volonté, une fièvre qui m’abonne à beIN et qui jamais totalement ne tombe. Quoique justement, sais-tu Malherbe qu’à la source de cette fièvre pointe une colère naissante ?
Il te faut savoir mon ami que, si à Caen parler de toi c’est causer de la vie, s’y retrouver à Paris c’est revenir à la vie. Ici tout le monde sait d’où je viens mais, mieux encore, pour qui je m’anime. Malherbe, tu es une identité. Une indélébile tache de naissance cachée à la vue de tous. Certes, tes enfants sont partis et pourtant, lorsqu’ils se retrouvent, de quoi penses-tu qu’ils discutent ? On se rencontre par toi, pour toi. Regarde donc ! Si nous te quittons parfois des yeux, jamais nous ne te perdrons de vue.
Alors Malherbe, la page est longtemps restée blanche avec le trop-plein de choses à te dire qui de mes doigts refusait de sortir. Car, si l’on parle souvent de toi, on ne s’adresse que trop rarement à toi, et qu’il est dur de poser les bons maux pour rester en bons termes ! Malherbe, écoute-moi s’il te plaît. Ecoute l’un de tes exilés.
Ces dernières semaines il fut rude de te soutenir contre vents et marées, d’expliquer à ceux qui tes dirigeants qualifient de gentils crétins que la Ligue est une sacrée catin. De justifier le jeu proposé avec les résultats que l’on connaît. De croire en tes chances avec une défense en vacances. Mes collègues me trouvent trop dur, mais voici la vérité : je pensais l’an passé qu’il ne fallait pas monter, que l’on n’était pas prêt et je ne me privais pas de le pronostiquer. J’ai probablement eu tort et, de temps à autres, j’adore ! Cependant, il faut assumer maintenant.
Voici où je veux en venir. Nous, on se rassemble et, parfois on raisonne, souvent on déconne. Une table, quelques chaises, un verre, deux verres, trois verres… Hips !… On s’appelle, on rigole, on écrit, on fignole et quand on rêve on s’y colle. Bon, tu nous donnes toujours un peu de matière, hein ! Une victoire contre un gros, une débandade contre un petit, un exploit de N’Golo, une cagade de Raineau… Ce n’est pas la question, on trouvera toujours à dire. Et puis bon, y a cette histoire, là… Et aussi les montées, les descentes, les montées, les descentes ; et le trou hivernal ; et Nicolas Seube, ce héros ; etc. On ne manque pas de marronniers. Mais, on ne va pas se le cacher, non : ça pue la routine.
La routine tue l’amour, je ne te l’apprends pas. On a besoin de piquant, de pétillant, de piment. L’ascenseur c’est sympa, mais ça finit par foutre la gerbe. Non, Malherbe, on veut d’autres sensations. Un 2005 sans Planté ? Ce serait sympa ça, non ? Enfin, en plantant mais sans se planter quoi ! La coupe est pleine des ascensions et ça ne sent pas bon en championnat. On veut du neuf, Malherbe. Je veux du neuf.
On veut de quoi labourer l’histoire pour cent ans et ressasser tout autant. On veut se réunir, boire, manger, flipper, stresser, hurler, pleurer, chanter, râler, boire encore, se saouler, se libérer, danser, fêter, célébrer, picoler à ne plus s’en rappeler. On veut remplir une coupe d’histoire à conter à nos gosses et qu’ils y trouvent une inspiration. On veut que les vieux partent le cœur léger et que les jeunes sentent leur cœur s’emballer.
C’est le jeu, c’est le sport, c’est le football. Ce sont des émotions.
Allez Malherbe, juste une petite coupe.
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