Quand on évoque les matchs Caen-Bordeaux, beaucoup de supporters malherbistes se rappellent des « cartons » réalisés contre l’équipe girondine : 3-0 en 88/89, 4-2 en 94/95 (avec un triplé de Kenneth Andersson) et le fameux 5-0 de la saison 2007/2008 qui inspire à Franck Jurietti sa fameuse réplique « les Caennais se prenaient pour Maradona avec des petits ponts et des sombreros. Ils nous ont pris pour des cons, je les attends au match retour ».
Franck Jurietti n’aurait pas du jouer dans les années 30 car un autre match opposant le Stade Malherbe à une équipe girondine avait fait couler beaucoup d’encre. En effet, le 9 septembre 1934, le Stade Malherbe reçoit l’Hispano-bastidienne de Bordeaux pour le compte de la troisième journée du championnat interrégional ; l’équivalent de la deuxième division professionnelle de l’époque. C’est alors la première saison du club en professionnel. Du côté de Bordeaux, deux clubs , l’un de quartier et l’autre regroupant des joueurs d’origine espagnole fusionnent en 1934 pour créer le premier club professionnel bordelais l’Hispano-bastidienne (quelques années avant les Girondins). Ce club se présente à Caen avec deux défaites alors que les Caennais ont plutôt bien entamé leur championnat avec une victoire à domicile contre Metz et une défaite contre Valenciennes à l’extérieur.
Ce sont les Caennais qui engagent la partie « avec le soleil et le vent dans la face » comme le note le Journal de Caen. Dans les premières minutes du match, aucune équipe n’arrive à prendre le dessus sur l’autre ; l’arbitre affirme de son côté son autorité en sifflant sept coup-francs en quatre minutes. Mais tout bascule à la quatorzième minute, Vilmos Frajt lance Jean Falize qui file tout seul au but et marque le premier but. Les Bordelais ont à peine le temps de se remettre de se premier but qu’Albert Rode, complétement démarqué sur son côté gauche vient marquer un deuxième but (17e minute). Malgré un score défavorable après un quart d’heure, les Bordelais ne baissent pas les bras et se montrent dangereux par Garcia qui permet au gardien Ferenc Mayer de se mettre en évidence. Les Caennais continuent leur pressing sur le milieu bordelais et sur un dégagement en chandelle de Frajt, l’attaquant Guillaume Delesse reprend la balle du « bout du pied » et la place sous la barre du pauvre gardien bordelais Klarés (34e). Le portier bordelais n’est pas au bout de ses peines et après avoir effectué quelques parades, il est bien obligé de ramasser le ballon dans ses filets pour la quatrième fois juste avant la mi-temps ; Delesse s’offrant un doublé.
Les Caennais repartent en deuxième mi-temps pied au plancher et mettent à peine une minute pour inscrire le cinquième but par Falize bien servi par Delesse. Dans la foulée, Rode est laissé seul et part sans opposition marquer son doublé ! Le match est à sens unique, après un cafouillage dans la surface, Rode s’offre un triplé (57e). Deux minutes plus tard, Klarès tente de maitriser un tir de Delesse mais s’emmêle les pinceaux et relâche le ballon dans les pieds de Marcel Leperlier qui marque le 8e but. Après une petit accalmie, les attaquants caennais repartent à l’assaut des buts bordelais et à la 71e Delesse marque son troisième but de la rencontre. Les Bordelais ont alors une petite réaction d’orgueil et se montrent dangereux sur les buts de Mayer sans toute fois à le tromper. Au contraire, c’est son homologue bordelais qui est trompé une nouvelle fois à la 76e par Delesse qui s’offre un quadruplé sur un but gag : il reprend le ballon en retourné, Klarès stoppe le ballon mais ne le bloque et il part en chandelle…pour retomber sous la barre ! 5 minutes plus tard, Leperlier reprend un centre et place le ballon en force sous la barre sans que Klarès ne réagisse. Falize clôt le score peu avant la fin du match.
C’est une cuisante défaite pour les Bordelais : 12 – 0 ! Henry Prestavoine dans le Journal de Caen note que l’équipe bordelaise « devrait progresser mais ce qui manque le plus aux joueurs est le contrôle de la balle ». De ce match, il ne faut pas oublier la sortie sur blessure de l’attaquant caennais Henry Veyssade (à cause d’un crampon clouté), ce fût la dernière rencontre de sa carrière…et malheureusement de sa vie (à lire dans un prochain article).

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