Il y a fort longtemps, dans une contrée très lointaine, appelée la Malherbie, cohabitaient sur le même territoire deux peuplades fort différentes : les Rigolus, qui rigolaient tout le temps et s’habillaient en rouge, et les Tristinus, qui broyaient du noir sans cesse et portaient des vêtements bleus.
Les deux peuples se détestaient et se combattaient à leur manière : si un Rigolus faisait rire un Tristinus, instantanément celui-ci se transformait en Rigolus et se drapait de rouge, et inversement, si un Tristinus faisait pleurer un Rigolus, il devenait lui-même un Tristinus, vêtu de bleu.
Les combats avaient lieu au Stadium Malherbus, sorte de théâtre antique sur la pelouse duquel les Rigolus et de Tristinus s’affrontaient à 11 contre 11 avec un ballon dans un sport appelé le toof… Dès qu’on parle de touffes, les adultes se rapprochent sensiblement et prêtent une oreille attentive au narrateur…
Le toofeux Tristinus le plus dangereux se nommait Vincent Bessassus, capable de faire pleurer de rage tous les spectateurs à chacun de ses centres qui ne trouvaient jamais personne… tandis que les Rigolus étaient menés par le fameux Jordanus Nkololus, qui faisait mourir de rire les tribunes à chaque fois qu’il frappait au but.
Mine de rien, les Tristinus et les Rigolus étaient d’accord sur un point : ils avaient envie de rencontrer d’autres peuples, notamment les habitants des terres insalubres et désolées de Havraisie, le fameux peuple des Cestmocheçapueetçapollux ! Mais évidemment, le toof se joue à onze et ni les Tristinus, ni les Rigolus n’étaient d’accord pour être moins représentés dans l’équipe que leurs rivaux…
Pour compléter l’équipe, ils décidèrent finalement de recruter un jeune étranger du nom de Xavier Gravelax… Oui, Gravelax, comme le saumon qu’on laisse mariner dans une préparation moitié sel, moitié sucre.
Le jeune Gravelax plaisait à tout le monde : les Tristinus, voyaient en lui un caractériel, un joueur trop lent pour le haut niveau, qui ne s’était pas imposé chez les Canarix, peuplade moitié bretonne, moitié civilisée, célèbre pour son équipe de toof et son alcoolisme… C’était le côté sel du Gravelax. Il plaisait aussi aux Rigolus pour son pied gauche magique, son sens du but et ses dribbles chaloupés… C’était le côté sucre du Gravelax.
L’affaire fut promptement menée et les anciens ennemis associèrent leurs couleurs : le bleu des Tristinus et le rouge des Rigolus. C’est ainsi que naquit le légendaire Stade Malherbus.
Les résultats dépassèrent les espérances les plus folles, Gravelax enchaînant les buts et donnant le sourire aux plus taciturnes des Tristinus, au point d’attirer l’attention des plus grands clubs : il finit par signer au Paris Canal Plusse, pour remplacer la vedette David Ginolus, appelée à faire voler ses beaux cheveux si soyeux au vent du Loréal de Madrid… parce qu’il le vaut bien ! Malheureusement pour les deux joueurs, le transfert capota et David Ginolus resta au Paris Canal Plusse, reléguant Gravelax parmi les coiffeurs sur le banc. Gravelax finit par changer de club pour retrouver une place de titulaire.
S’en suivit une longue carrière, au cours de laquelle il porta les couleurs de pas moins de seize clubs : il n’en manquait que quatre pour créer un championnat à son nom.
Malgré tout, Gravelax a toujours conservé une place à part dans le cœur des habitants de la Malherbie : les Tristinus se plaisaient à railler son instabilité, son appât du gain et ses départs précipités dès qu’il n’était pas titulaire, tandis que les Rigolus appréciaient son franc-parler, son jeu spectaculaire et sa recherche constante d’un temps de jeu conséquent.
Après sa carrière de joueur, Gravelax, l’enfant du Stade Malherbus, est revenu sur ses terres pour diriger ce club à l’initiative du Président Fortintin et de son acolyte Pilou. Les Tristinus étaient aux anges et pariaient sur le nombre de semaines qui le séparait de son départ précipité. Finalement, Xavier Gravelax est resté plusieurs années au plus grand plaisir des Rigolus, et s’est même révélé un véritable patron dans les périodes difficiles, notamment lors de la douloureuse affaire dite du pinard frelaté.
Son caractère bien trempé et son absence de diplomatie ne plaisaient cependant pas toujours. C’est pourquoi à peine nommé président, Sergentopoulos, le successeur de l’historique Fortintin à la tête du club, le limogea sans ménagement, ne communiquant quasiment pas sur le départ de Gravelax, qui partit pour de nouvelles aventures et ne revint plus jamais dans la contrée de ses exploits.
Malgré tout, Gravelax est et restera LE joueur du siècle du Stade Malherbus… celui grâce à qui les Rigolus et les Tristinus vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… qui s’habillent tous depuis à la fois en rouge et en bleu…
FIN
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