« Je m’appelle Paulo, j’ai 19 ans, j’aimerais qu’on gagne ce match avec mes copains, parce qu’il y a mon copain dans les tribunes. »
Rien de cela n’est crédible : je ne m’appelle pas Paulo, je n’ai plus 19 ans depuis longtemps et surtout, surtout, depuis le week-end dernier, on se rend compte que c’est difficile d’assumer l’homosexualité dans le foot…
J’avoue que je ne m’attendais pas du tout à ça et que ma première réaction était plutôt d’en rire quand j’ai découvert que la ligue de foot lançait une opération contre l’homophobie dans le sport.
Est-ce qu’en 2019 une telle opération est encore nécessaire ?
Pour moi, c’était évident que non, nous vivons dans un pays civilisé, qui a érigé depuis longtemps l’homophobie en infraction pénale et qui a même autorisé le mariage pour tous les amoureux…
J’avais envie d’en rire de cette opération de lutte contre l’homophobie, qui me paraissait aussi caduque que de se mobiliser pour le droit de vote des femmes ou pour l’abolition de l’esclavage… J’avais vraiment envie qu’on en rie tous ensemble, même avec des vannes lourdes, du style « le foot perd les pédales »… D’autant que chez Wam, parmi notre équipe de joyeux drilles, il doit bien y avoir quelques « gays » lurons…
Alors, est-ce qu’en 2019 une telle opération est vraiment nécessaire ?
Malheureusement, oui… Elle s’avère même indispensable. L’envie d’en rire m’est passée très vite.
On ne demandait pourtant pas grand-chose aux capitaines et entraîneurs des équipes de L1, juste de porter un brassard arc-en-ciel. Et pourtant, quasiment un capitaine sur trois ne l’a pas fait. Les motifs sont nombreux et variés… d’excuses bidon en refus catégorique…
Certains ont expliqué que le brassard était trop large : à croire qu’en voulant trop bien faire, ils ont oublié que c’était autour de leur bras qu’il fallait le mettre, pas ailleurs. D’autres ont prétendu un simple oubli, leur mémoire étant tellement limitée qu’ils ont également oublié de communiquer depuis sur le sujet, ne serait-ce que pour s’excuser de cet oubli.
Malheureusement pour nous Caennais, notre équipe compte parmi celles dont ni le capitaine, ni l’entraîneur – ni l’autre entraîneur puisqu’on en a deux-, n’ont revêtu ce brassard. De même, ni le club, ni les protagonistes, n’ont cru devoir communiquer depuis pour rattraper le coup et rappeler le soutien du club à toutes les victimes de discrimination, notamment à raison de leur orientation sexuelle.
J’avoue à titre personnel que ce mutisme complet me gène encore plus que celui de nos attaquants devant le but… Le foot est-il homophobe ?
J’aurais dit non parce que je ne connais pas un seul supporter homophobe. Mais à la réflexion, combien avons-nous entendu d’entraîneurs ou de joueurs vanter les qualités guerrières de leur équipe à base de « on verra les vrais hommes », « on ne veut pas de femmelettes »… Combien avons-nous entendu de supporters crier « Ho hisse, enc… » sur les dégagements du gardien adverse ?
Avec la coupe du monde qui arrive, combien avons-nous entendu de réflexions lourdingues associant les footballeuses à des lesbiennes ?
Alors, oui, il se pourrait que le foot conserve des relents d’homophobie…
Dans tout cela, le pire était à venir : les réactions sur les réseaux sociaux qui ont suivi les premières critiques sur les capitaines qui ont préféré porter un brassard traditionnel.
Je ne me ferai pas ici le relais de ce florilège d’inepties, d’horreurs et de fausses croyances… dont la survivance en 2019 me laisse pantois. Je leur rappellerai simplement que l’homosexualité n’est ni un choix, ni une maladie, et que la seule chose qui semble contagieuse ici, c’est la bêtise des homophobes.
De même, la seule chose interdite et immorale en la matière, c’est l’homophobie elle-même. L’homophobie n’est ainsi ni une opinion, à laquelle on pourrait légitimement souscrire, ni une conviction religieuse, qui primerait sur le reste, mais une infraction pénale doublée d’une négation de l’humanité.
Heureusement qu’ailleurs Antoine Griezmann, l’un des grands acteurs de notre victoire en coupe du Monde, a affiché lui un soutien sincère et complet à la lutte contre l’homophobie dans le sport. Comme quoi tout n’est pas à jeter chez les footballeurs…
Et peut-être qu’un jour, un Paulo de 19 ans pourra entrer dans un vestiaire et dire en toute tranquillité : « Les copains, faut qu’on gagne ce match, parce qu’il y a mon copain dans les tribunes. »