Les matchs à huis-clos ont radicalement modifié l’expérience des téléspectateurs. La clameur des supporters a disparu laissant un vide où ne raisonne plus que le bruissement ronronnant du match. Cet espace sonore à combler est parfois déchiré par de retentissants « bien jouééé ». Rapidement, cet encouragement tonitruant émis par Pascal Dupraz a été tourné en dérision, tant il résonnait lors de rencontre au score et au contenu indigeste.
Yago qui va se battre dans les vestiaires dès la mi-temps #SMCHAC pic.twitter.com/PUffaT1YPJ
— Paul G. (@paul50890) March 15, 2021
L'arbitre siffle la fin du match 🤣🤣🤣 pic.twitter.com/WFYUNKG8ML
— Samichemuche (@SMichemuche) March 15, 2021
La dérision est nécessaire mais pour autant elle n’aide pas à comprendre le phénomène. C’est pourquoi la cellule scientifique de WAM s’est mobilisée à l’occasion du déplacement du SMC à Châteauroux. Elle a mis en place une méthodologie rigoureuse pour recenser exhaustivement chaque « bien joué » : quand sont-ils clamés ? Lors de quelle phase de jeu ? Quel est l’état du score ? Qui sont les joueurs concernés ? WAM vous livre l’analyse détaillée des bien joué de Pascal Dupraz.
Une méthodologie rigoureuse
Le match a été vu une première fois en direct. Chaque « bien joué » est reporté sur un tableur Excel accompagné du minutage, du joueur concerné et du type d’action (Figure 1). Certaines phases sont litigieuses. Il est difficile de déterminer dans l’instant s’il s’agit d’un « bien joué » ou d’un « alleeeeeeez ! ». Une rediffusion a été organisée dans la matinée du dimanche 21 mars, au casque et sans image, pour retenir ou non les occurrences douteuses.
Fig. 1 : dispositif méthodologique de recensement des bien joué
La situation et le contexte
Selon notre décompte Pascal Dupraz a clamé 25 « bien joué ». Certes, il existe un biais méthodologique dans la mesure où certains, tributaires des conditions de retransmission, ont pu nous échapper. D’autres ne lui sont peut-être pas imputables. Pour autant, il se dégage un pattern intéressant (Figure 2). En effet, 80% des « bien joué » se sont déroulés en première mi-temps. Pascal Dupraz fait même un remarquable début de match avec 3 manifestations dès la 2ème minute. On relève aussi 3 occurrences à la 25ème avec une jolie variante « Bien joué les gars ». Aucun joueur ne se distingue par des encouragements plus appuyés, en revanche, il semble que le coach caennais donne de la voix dans les situations défenses (Figure 3).
Fig. 2 : distribution des « bien joué » (minutage en abscisse)
Fig.3 : Les bien joué en attaque et en défense
Le « Bien jouééé » employé dans deux situations
Au delà de l’observation des données, il convient de dépasser la lecture empirique par une tentative d’explication. Le SMC a connu une rencontre difficile. Comme on dit dans le milieu « on s’est fait bouffer ». Songez par exemple que les Caennais n’ont fait que 230 passes contre 764 pour les locaux. Par ailleurs : 23% de possession, seulement 27% des duels gagnés, 0 corner, 18 dégagements en défense…. Il faut alors distinguer 2 caractères aux « bien joué » :
- Le bien joué contextuel : c’est un « bien joué » d’encouragement selon l’état du score qui se manifeste le plus souvent en défense lorsqu’il faut tenir.
- Le bien joué situationnel : ce « bien joué » se caractérise par la proximité géographique du coach avec les joueurs.
Nous avançons donc l’hypothèse explicative qu’un bien joué sera d’autant plus intense et audible par les téléspectateurs qu’il combine les dimensions contextuelle et situationnelle.
Le décalage entre la première mi-temps et le seconde s’explique tout à la fois par un SMC en difficulté (8 bien joué en défense entre la 23ème et la 28ème alors que le SMC est mené 2-1) et la position de la zone technique malherbiste du côté de la défense caennaise (voir figure 4).
Fig. 4 : la zone technique du banc malherbiste (Pascal Dupraz en bas à droite).
Pour une science des « bien jouééé »
L’analyse des « bien jouééé » permet de mieux comprendre la manifestation du phénomène. Il se déroule le plus souvent en défense lorsque le coach est proche des ses joueurs.
Pour autant, il serait précipité de tirer des conclusions générale sur la seule base de ce match. Il faudrait en effet reconduire le protocole lors d’un match à domicile et, idéalement, identifier l’intensité et la clarté des « bien joué » lorsque le SMC mène largement au score. Par ailleurs, l’analyse quantitative devrait être complétée par une méthodologie qualitative d’entretiens semi-directifs menés avec l’émetteur (le coach) et les récepteurs (les joueurs) pour comprendre leur vécu sensible du bien joué.