« Toi aussi on t’a convoqué la Caencaneuse ? » qu’il a demandé Nicolas, en me voyant arriver, la mine pas réveillée. Ouais, moi aussi on m’a convoquée. Laissez-moi vous dire que je n’ai pas été déçue par cette nouvelle expérience, je vous la raconte. Nous voilà, au milieu de la pelouse de d’Ornano, petit groupe mêlant héros du ballon, illustres anonymes et anonymes illustres. « Mais pourquoi t’es venue toi, t’es comme le gars torse nu là-bas, qui a mangé son mégaphone au dernier match ? » « Moi c’est la télé » « Tu l’as mangée ? » «Non je l’ai cassée sur le deuxième but messin. Une grand écran en plus » « Ah merde, c’est con… »
« Rapprochez-vous du rond central s’il-vous-plait », qu’il a dit, le grand Chaman. On aurait dit Tiburce, le copain de Gourcuff et de la Star Ac. C’était p’tet Tiburce d’ailleurs, mais on y voyait un peu flou dans le brouillard du p’tit matin. « Tout le monde a son petit tapis de gymnastique ? » Ouep. Même qu’on les avait tous rouge ou bleu. La classe.
« Attendez, attendez », dit un peu essoufflé l’Alexandre, qui sortait du vestiaire en courant. « Pardon chuis en r’tard ». « Pas grave mon p’tit Alexandre, je vois que vous avez votre tapis, pas de carton jaune pour cette fois. Allez tout le monde le déroule, et formons un cercle. On s’assied en tailleur, fermons les yeux et donnons-nous la main. » Le silence se fit. Enfin je crois. Je sais plus. Parce que là j’ai donné la main à Nicolas mon héros, c’est encore tout confus dans ma tête… Mais bon, dans mon souvenir, Tiburce a dit : « Voilà, je vous ai tous convoqués, joueurs, staff, plus quelques supporters à la dérive (à la dérive toi-même hé le chaman), pour une séance de relaxation.
Tous ensemble – « tous ensemble ouais ! », que Laurent a crié – tous ensemble donc, inspirons, expirons », a continué Tiburce comme si de rien n’était. En même temps, si c’est un TOC, il a eu raison, faut pas le contredire, il paraît. « Vous sentez cette légère brise ? C’est celle de la crise. Elle souffle un peu, mais elle ne passera pas par nous mes enfants. Je peux sentir le poids sur vos épaules. Le poids des occasions ratées. Mathias ? Le poids d’un but casquette Damien ? Le poids d’un ou deux mètres perdus Nicolas ? Le poids du départ de Livio, la team Nabab ? Oui. Vous en avez tous gros sur la patate, oui.
C’est pour ça que tous ensemble – « Tous ensemble ouais ! » – C’est ça Laurent, merci, toujours 100% concerné. Mais même vous Laurent, vous allez devoir lâcher prise aujourd’hui. Il va falloir laisser sortir la peur de décevoir, la peur des chemises à carreaux imitation Burberry du coach, la peur du fantôme de Franck, la peur des Lensois, des Angevins, des Niortais, etc. RESPIREZ BIEN FORT. On ne s’endort pas non plus mon cher Molla, on reste en veille hein ! Et on n’essaie pas de s’enfuir discrètement Fode, c’est pas parce qu’on arrive pas au meilleur moment qu’on se tire des flûtes mon grand. Rasseyez-vous.
Donc, on inspire… MONSIEUR FELIPE, s’il-vous-plait ! On ne tweete pas pendant la séance enfin ! Confisqué le téléphone.
Je reprends, donc on visualise ses peurs et on souffle. On les extériorise, comme ça on en prend la mesure. Elles sont vraiment si terribles ? N’y-a-t-il pas de pires mésaventures que les vôtres ? Je vous rappelle qu’un membre du groupe vous a quittés pour jouer la Ligue des Champions, et qu’on a malencontreusement oublié de l’inscrire sur la liste. Ça, oui c’est dur. On ne ricane pas Patrice, on ne ricane pas. Revenons à nous. Trois petites défaites, c’est quoi ? Inspirez et expirez trois fois. Voyez, c’est pas grand-chose.
Pensez à Michel Thor, le célèbre viking. Ne disait-il pas « Moi ? N’a peur de rien moi ! ». Vous les cadres, les anciens, n’ayez pas peur de la réforme des retraites. Tout se passera bien en temps voulu. Et vous là, le torse nu, le p’tit gros, et la blonde, le douzième homme quoi, LE supporter, c’est pas bientôt fini ces angoisses ? Oui, il y a un passif, mais faut pas s’enfermer dans son souvenir les enfants, vous croyez toujours que le pire va arriver… Même tarif : on inspire, on expire. C’est sûr que c’était plus facile quand on avait un Livio bouc-émissaire. Ben maintenant on va apprendre à gérer son stress tout seul, comme un grand public. Et on donne la main aux joueurs, on ne boude pas dans son coin.
Dites-moi Laurent, est-ce qu’on est tous ensemble maintenant ? « Tous ensemble ouais ! ». C’est bien Laurent. 200%. Nous allons pouvoir clore cette séance collective. D’ailleurs je vous le dis, n’hésitez pas à le refaire chez vous ! Oui Felipe, après je vous rends votre téléphone. Donc, pour finir, on inspire et on expire encore trois fois, comme le nombre de victoires d’affilée qu’on va aller chercher pour conjurer le sort. Maintenant, tout doucement, on ouvre les yeux et on crie fort comme Michel Thor : « Allez Malherbe » !
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