« 1911 : Trouville conteste l’hégémonie du Club Malherbe Caennais. »
Créé à l’automne 1907, le CMC avait réalisé le grand chelem parfait en s’adjugeant trois titres consécutifs de champion de Basse-Normandie en 1908, 1909 et 1910, ainsi qu’en enlevant dans le même intervalle trois « Challenge Bourdon », compétition dans laquelle s’affrontaient uniquement les clubs caennais. Dans le contexte de cette hégémonie implacable des « noir et blanc », quelques nouveautés s’immiscèrent dans le panorama sportif caennais au cours de la saison suivante. Deux fusions s’opérèrent tout d’abord. La première, dès octobre 1910, concerna l’absorption du Rugby Club Caennais par le Club Sportif Caennais, qui courait toujours après un premier titre depuis une décennie. Par ailleurs, le ralliement officiel des étudiants caennais au CMC s’opéra en février 1911, ce que confirme l’appellation fréquente « d’universitaires caennais », utilisée dans la presse de l’époque pour désigner les joueurs du CMC. Autre nouveauté, l’équipe du capitaine Le Somptier, qui partageait jusqu’alors le terrain de la route de Ouistreham avec le CSC, inaugura son nouveau « ground » situé boulevard Leroy (chemin du Mottet d’Argences), et dont la pelouse devint rapidement réputée pour sa qualité. Les effectifs changèrent peu, hormis l’arrivée remarquée de Vromet au CMC, transfuge du CSC, chargé notamment de remplacer Maurice Parat en partance pour la capitale.
Au plan régional, personne ne semblait être en mesure de pouvoir contester la suprématie du Club Malherbe, qui disposait désormais de trois équipes séniors et qui pouvait aussi compter sur l’appoint de joueurs de l’UALM. Les matchs amicaux interrégionaux de la saison ont confirmé l’irrésistible montée en puissance des Malherbistes, qui réalisèrent deux prestations accomplies contre l’US Le Mans (4-2) et surtout contre le Gallia Paris (3-0). Sous la houlette d’Eugène Le Somptier, « tacticien de premier ordre », l’attaque caennaise faisait des merveilles avec Vromet, Piton, Brionne et Hay. Cependant, en dépit de quelques sévères corrections infligées par le CMC à ses adversaires (en particulier un époustouflant 14 à 0 sur la pelouse du SC Bernay), le championnat se résuma à un mano a mano épique entre le CMC et l’AS Trouville-Deauville. Après le match nul un but partout réalisé par les Caennais sur le terrain de Trouville le 22 janvier 1911, les joueurs de la Côte Fleurie parvinrent à réaliser l’exploit d’entériner un score identique boulevard Leroy le 19 février. Perturbées par un vent violent, les deux équipes ne produisirent pas un grand football et il fallut toute l’énergie de Piton et de Pottier pour que les Caennais puissent égaliser en seconde période. Un match d’appui était nécessaire pour décerner le titre, en vue des rencontres qualificatives du championnat de France. Le match décisif se déroula sur l’hippodrome de Trouville le 26 février. Après un début de rencontre dominé par les hommes de Le Somptier, qui se virent refuser un but pour hors-jeu, leurs adversaires déployèrent un jeu rapide. Emmenés par Vassel, un ancien du CMC, les joueurs de l’ASTD remportèrent finalement la partie sur le score de 2 à 0 et empochèrent ainsi le deuxième titre de champion de Basse-Normandie du club, après celui obtenu en 1905. L’équipe de la station balnéaire, à son apogée, ne céda ensuite face au Racing Club de France que sur le score très honorable de 3-1. Quant aux Malherbistes, ils avaient subi là leur première défaite contre une équipe régionale depuis la création du CMC. Néanmoins, les Caennais terminèrent leur saison par un résultat brillant le 16 avril 1911 contre l’équipe anglaise des St-Albans Crusaders. Désormais seuls normands sur le terrain (à la différence des deux matchs de 1909 et 1910), les joueurs du CMC frôlèrent même un exploit retentissant, à la surprise générale. Devant une assistance encore nombreuse venue s’agglutiner autour du terrain du Parc de L’Hôpital, le valeureux capitaine Eugène Le Somptier ouvrit la marque d’un tir imparable. Avec le renfort de Maurice Parat pour l’occasion, « l’équipe universitaire » vit même la victoire lui sourire jusqu’à quelques minutes de la fin, et ce n’est qu’après « une défense acharnée » que les visiteurs réussirent à obtenir le match nul par un but partout.
Quoi qu’il en fût, l’âpreté avec laquelle les Trouvillais ravirent le titre à des joueurs du CMC avides de prendre leur revanche, augurait d’une nouvelle saison palpitante.
A suivre…
L’équipe du CMC, le 16 avril 1911.
Debout, de gauche à droite : Métrope – x – Berger – Vromet – x – x – Bordarier – Chérencey – Hay – Parat – Toullier.
En bas, de gauche à droite : E. Le Somptier – Lemoine – A. Le Somptier.