Episode 7 : « Enfin Malherbe vint ! »
Ami lecteur, poète avisé et laudateur du « football total » de Rinus Michels, salut !
Après trois années d’existence, le championnat de football commençait à prendre ses marques dans notre région. Cette 4e saison fut sans conteste celle des joueurs de l’UALM. Les lycéens de Malherbe formèrent une équipe littéralement intouchable en championnat, ce qui leur ouvrit les portes d’une belle aventure collective. Déjà, l’année précédente, les observateurs avaient loué le jeu de passe et l’entente parfaite entre les avants du « team », emmenés par Montreuil. Néanmoins, le talon d’Achille de l’UALM résidait dans l’instabilité de son effectif. En effet, seuls des lycéens pouvaient revêtir la tunique rayée noire et blanche. De fait, Montreuil, bac en poche, continua à faire parler la poudre sous le maillot de l’ASEC. Qu’importe ! Une génération dorée pointait le bout du nez. Le capitaine Bitouzet était fort bien entouré avec, entre autres, des joueurs tels que Neyreneuf, le gardien, Guesdon, brillant demi-centre, ou encore Julien Digoit, le nouvel avant-centre, qui entamait là une bien jolie « carrière ».
Dans une formule en matchs-allers simples, l’UALM réalisa ainsi un parcours époustouflant, marquant 27 buts en cinq matchs, tout en n’en concédant que 3 ! Sur la Prairie, les étudiants en prirent 8, tandis que l’équipe bajocasse subit un sévère 9-0. La Normalienne, le CSC et Trouville ne résistèrent qu’à peine mieux à cette furia ! Titrés, les lycéens obtinrent leur billet pour les quarts de finale du championnat de France, disputés le 22 mars 1903 à Laval, contre le champion de Bretagne : le Football Club Rennais. Avant la partie, le correspondant de la presse bretonne s’avérait confiant. S’il présentait les joueurs « malherbistes » comme « très légers et très vites », avec une «ligne des avants particulièrement rapide », jouant « dit-on, fort bien la passe », il ajoutait : «les joueurs du FBCR sont plus lourds et je crois qu’en la circonstance ils doivent encore gagner ». Les jeunes caennais démentirent brillamment ce hasardeux pronostique. L’homme du match : Julien Digoit, auteur du quadruplé qui terrassa le champion breton (4 buts à 1). En attaquant le match face au soleil et contre le vent, les joueurs de l’UALM durent néanmoins laisser « passer l’orage » en contenant les attaques adverses dans un premier temps. Neyreneuf, avec sang-froid et habilité se chargea de dégouter les avants rennais. Mais dès la mi-temps, l’issue du match était presque scellée : 3-0 et hat-trick de Digoit ! Après le quatrième but, le rythme des Caennais baissa sensiblement, conséquence probable de la fatigue due à un voyage qui n’était alors pas une sinécure (il fallait compter environ 6 heures pour relier les préfectures calvadosienne et mayennaise). Finalement, à 10 minutes du terme, les joueurs d’Ille-et-Vilaine sauvèrent l’honneur. Le score ne bougea plus, jusqu’au coup de sifflet finale de l’arbitre, M. Robert Guérin. Arbitre de prestige s’il en fût, puisqu’il s’agit alors du président de la commission football de l’USFA, descendu spécialement de Paris. Ce dirigeant de grande valeur, il ne le sait pas encore, sera le premier président d’une institution créée à Paris en mai 1904 : la FIFA !
La demi-finale du championnat de France USFSA se joua le 29 mars 1903, à domicile, sur la Prairie de Caen. Les « potaches » caennais, comme on les surnommait alors, eurent le redoutable honneur d’accueillir le Racing Club de France, victorieux de Bordeaux au tour précédent sur le score limpide de 5 à 0. La vieille société parisienne était déjà très prestigieuse et l’annonce de ce match provoqua une certaine effervescence sur les bords de l’Orne. Si la lutte était présentée comme inégale, 2 000 personnes se déplacèrent pour venir encourager les locaux, en quête d’une finale de championnat. Le coup d’envoi fut donné à 15h. Les Racingmen portaient leurs célèbres couleurs bleues et blanches, tandis que les lycéens arboraient leurs traditionnelles chemises rayées. Débutant contre le vent, les Caennais encaissèrent un premier but dès l’entame, œuvre de Lemoine. On ne donnait pas cher des chances malherbistes, et, en dépit d’un pénalty manqué, le RCF fit montre d’une redoutable efficacité en première mi-temps. A quatre reprises, le gardien Neyreneuf dut ainsi ramasser le ballon dans ses filets avant la pause. Avec le vent, les Caennais se montrèrent plus dangereux, par l’intermédiaire de Digoit, Blescher et Bitouzet, avant que Guesdon ne parvienne à sauver l’honneur devant une foule qui applaudit à tout rompre. Toutefois, le dernier mot revint au Parisien Aghad, inscrivant le 5e et dernier but de son équipe. La défaite était logique et c’est sans regrets que les Caennais furent éliminés de l’épreuve. Cette demi-finale constitue malgré tout une des références pour l’histoire des clubs engagés sous la bannière « malherbiste ». Le soir, réunis autour d’un punch offert par l’administration du lycée, les joueurs dissertèrent sur les succès futurs des deux clubs, que l’on espérait nombreux ! Le RCF fut cependant vaincu à Lille par Roubaix, lors de la finale rejouée de 1903. C’est au cours de ce bel été que naquit une épreuve promise à un avenir étincelant : le Tour de France cycliste. Oui, le sport avait bien conquis « l’Hexagone » (amputé toutefois de l’Alsace et de la Moselle…)
A suivre.
FDM
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