Centenaire de sa mort (30/08/1914 – 30/08/2014)
Né le 24 septembre 1888, le jeune Eugène vit le jour dans une famille de commerçants caennais très impliquée dans la vie sociale, culturelle et politique de leur ville. Son père Aubin, antiquaire et galeriste installé au 11 rue de Bernières, fut conseiller municipal dans l’équipe dirigée par le maire René Perrotte. Deuxième garçon d’une fratrie de quatre enfants, dont l’aîné René sera un grand cinéaste, Eugène fit montre très tôt de remarquables aptitudes pour le sport. Alors lycéen, il intégra rapidement l’équipe de football de l’Union Athlétique du Lycée Malherbe (UALM). Le 22 novembre 1903, âgé de 15 ans seulement, il marqua déjà un doublé pour son équipe à l’occasion d’un match amical joué à la Prairie contre l’équipe B du Club Sportif Caennais (CSC), pour une victoire 4 buts à 1. C’est le point de départ d’une histoire fusionnelle entre le jeune homme et « Malherbe », entrecoupée d’une parenthèse très éphémère.
Ses brillantes prestations lui permirent notamment de rejoindre l’équipe des étudiants (ASEC, puis Stade Universitaire Caennais) dès la saison 1904-1905. Sportif accompli, il s’adonna aussi bien au rugby, au poste de trois-quart aile, qu’au football, sa discipline de prédilection. Champion de football de Basse-Normandie en 1906, c’est cependant bien la création du Club Malherbe Caennais (CMC), à l’automne 1907, qui permit à Eugène Le Somptier d’exploiter la pleine mesure de son immense talent. Des dirigeants caennais visionnaires ambitionnèrent en effet de créer une sélection caennaise capable d’intégrer les meilleurs joueurs de la ville. Ce dessein reposait sur un projet identitaire qui tenait en un seul nom : « Malherbe ». L’équipe était de fait ouverte à tous les lycéens ainsi qu’aux anciens du lycée Malherbe. Le football étant alors un sport pratiqué par une minorité bourgeoise, il est aisé de comprendre que la quasi-totalité des joueurs évoluant à Caen avaient fait leurs études secondaires au lycée Malherbe. Le succès fut immédiat ! Véritable leader de la ligne d’avants, Eugène Le Somptier fut rapidement considéré comme le meilleur avant-centre de Normandie. Ses indéniables qualités lui permirent littéralement de faire parler la poudre ! Lors de la saison 1908-1909, il inscrivit notamment la bagatelle de 40 buts, avec comme point d’orgue ce quintuplé réalisé contre Trouville le 22 novembre 1908, afin de se faire pardonner de ses coéquipiers pour sa légère arrivée en retard au match ! Eugène incarna rapidement l’âme des « blanc et noir » et hérita naturellement du brassard de capitaine à partir de 1909.
Avec ses coéquipiers du CMC, il remporta quatre fois en six participations le championnat de Basse-Normandie (1908, 1909, 1910 et 1912), ne cédant de justesse qu’à deux reprises contre la valeureuse équipe de l’AS Trouville-Deauville. L’influence du capitaine « malherbiste » sur le jeu et son abnégation sur le terrain sont constamment soulignées dans les comptes-rendus de match. Décrit comme un « joueur très vite et très adroit », disposant d’une « excellente compréhension du jeu », ainsi que loué comme « scientifique » et « courageux à l’extrême », la réputation d’Eugène Le Somptier dépassa dès lors rapidement les bords de l’Orne. Ses excellentes prestations lui valurent notamment d’être sélectionné à deux reprises (en 1909 et 1911) pour les « matchs Nord-Sud », mis sur pied à l’époque en vue de sélectionner les joueurs de l’équipe de France. Sous les couleurs du « Nord de la France », Le Somptier fut même l’un des seuls joueurs de son équipe à recevoir les louanges des observateurs présents à Marseille le 17 décembre 1911, en dépit d’un terne match nul. Sa période d’incorporation sous les drapeaux le priva peut-être d’une sélection chez des Tricolores qui restaient marqués par le cuisant échec des Jeux Olympiques de 1908.
A partir de 1909, le comité de Basse-Normandie imagina de nouer des liens outre-Manche dans l’optique d’organiser des rencontres de football contre des sélections amateures issues de comtés anglais. Avec de nombreux de ses camarades du Club Malherbe, dont son frère André, Eugène fit partie des heureux sélectionnés. Si la plupart des matchs se soldèrent par quelques corrections sèchement assénées, Le Somptier se mit spécialement en valeur lors de « l’exploit » réalisé contre les « maîtres anglais » des St-Albans Crusaders le 16 avril 1911. Cette fois-ci seuls sur le terrain, les joueurs du CMC s’en remirent encore une fois à leur vaillant capitaine, qui, d’une frappe imparable, arracha de manière héroïque l’égalisation (1-1) sur le terrain du Parc de L’Hôpital (actuel CHR). Joueur polyvalent, Eugène descendit d’un cran sur le terrain à partir de 1912, où il occupa dorénavant le poste de « demi-gauche » toujours avec le même bonheur que précédemment en portant son équipe vers de nombreux succès. C’est ainsi qu’à l’automne 1913, lorsqu’intervint la fusion entre le CMC et le CSC pour entériner la naissance du Stade Malherbe Caennais, le brassard de capitaine échut naturellement à Eugène Le Somptier. La nouvelle entité, dont le but était d’asseoir sa suprématie sur le football bas-normand et tenter de rivaliser dans les phases éliminatoires du championnat national, comptait plus que jamais sur le talent de son joueur-phare pour y parvenir.
Le 12 octobre 1913, à l’occasion du premier match « officiel » du SMC, une rencontre amicale contre l’USA Lisieux, en capitaine exemplaire, Eugène consentit même à jouer défenseur pour pallier les nombreuses absences. La grande aventure du SM Caen était en marche ! L’équipe fut rapidement redoutée, infligeant par exemple un cinglant 11-0 à l’équipe du Mans en match amical. Mais l’objectif de Malherbe restait d’abord de reprendre le titre régional, perdu en 1913 par le CMC contre leurs éternels rivaux de Trouville. Ainsi, le 23 novembre 1913, devant plus de 1000 spectateurs, les Malherbistes prirent-ils le dessus chez leurs adversaires lors du match-aller en s’imposant par 4 buts à 2, grâce notamment à des prestations remarquées des frères Le Somptier et de Toussaint. La porte du championnat de France s’ouvrait ! A l’occasion du 4e tour, les « bleus et rouges » se virent l’honneur d’affronter la belle équipe de St-Servan, championne de Bretagne et comptant dans ses rangs de nombreux internationaux. Le match joué à Venoix fut fabuleux. Grâce au courage de tous les joueurs, Toussaint parvint à égaliser lors de la deuxième prolongation pour un score de 3 à 3. Même si les Malherbistes ne purent honorer la partie d’appui, la première saison des hommes de Le Somptier était fort prometteuse ! Le bel été de 1914 pouvait commencer dans l’insouciance…
Mais la tourmente embrasa rapidement tout le continent. Mobilisé au 5e Régiment d’Infanterie, Eugène Le Somptier fut mortellement blessé sur le front. Il décéda le 30 août 1914 dans un train sanitaire près de Soissons. Il avait 26 ans, le SMC venait de perdre son capitaine et sa figure emblématique. Eugène repose dans le caveau familial du cimetière St-Gabriel de Caen, dans la même allée qu’Eugène Maës, autre figure de proue du SM Caen. La nouvelle du décès du vaillant capitaine consterna la cité ducale. Comble de malheur, la famille fut frappée par un autre événement dramatique en 1919. La mère d’Eugène fut en effet la première femme du Calvados victime de ce type d’accident d’un genre nouveau : elle fut renversée par une automobile rue de Ouistreham…
FDM
La 1ère équipe du Club Malherbe Caennais (1907-1908)
Match du 15/12/07 : CMC-SC Bernay, au camp de Cormelles (11-0)
St-Albans – Equipe régionale de Basse-Normandie (10-1)
Parc de l’Hôpital à Caen (16 avril 1910)
Club Malherbe Caennais – Newport FC (0-4)
Parc de l’Hôpital à Caen (23 mars 1913)
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